Crues,
embâcles, débâcles
L'othographe
originale a été respectée. Seule la ponctuation a été adaptée
et des majuscules ajoutées aux noms propres pour permettre une
meilleure compréhension des textes.
1694
Le
neufiesme febvrier 1694 a esté par nous curé de ceste paroisse
soussigné inhumé dans le cimetiere de ceans le corps de deffunte
Louise Boyreau aagée de quatre ans et un peu plus de quatre moys
fille d’Estienne Boyreau et de Louise Aubeix de la paroisse de
Cunault en Vallée et ce a cause des glaçons qui occupent la riviere
et empeschent le passage. A esté present led. Boiyreau lequel nous a
declaré ne scavoir signer.
Limier ptre desservant à
St Clément
1729
Lan
mil sept cent vingt neuf la glace fut dans l'eau depuis le mardy 28
xbre (décembre) jusque au 28 janvier. Lon passa a pied et
cheval pendent pres de quinze jours chevaux chargé. Le dépille (le
dégel de l'eau) arriva la première fois du jeudy au vendredy le
long du costeau, porta sur le chantié (espace situé en bord de
Loire on l'on entreposait les marchandises) a Cunault des grands
bateaux jusque sur les murs a plus de trante pied de hauteur
(environ 9 m.). L'eau étant dans son cours ordinaire. Le
depille du costé de la Levée arriva le vendredy sur les neuf
heures. La glace etant sur la Levée et l'eau
refrennée par la glace un peu en ça de la croix de la ruëe
Tibault etait sur le point de traverser sur la Levée. Ce depille se
fit avec un bruit et fracas epouvantable les glaces montant sur la
Levée en diferent endroits de plus de dix pieds de hauteur (environ
3 m) ruina toutes les isles depuis Saumur jusque au desou de St
Mathurin. Fit dans cette paroisse (St Clément) ou sur ses
confins trois breche l'une un peu plus haut que la croix de la ruëe
Tibault, l'autre un peu au dessus du cimetiere de ce lieu elle etoit
a craindre, l'autre au dessous du port Joulain et cassa nombre de
bateaux et remuer la grande
voye des pont de bois de Saumur. Et on prétend que le froid egala
celui de 1709 et dura bien plus longtems. On remarquera que il y en
eut qui n'etoit pas fonduëe le vingt mars.
L.
Beusnier ptre desservant
(B.M.S.
de St Clément, 1729, page 277)
1740
Le
sept du mois de decembre leau crut tellement dans la Loire quil ne
sen falloit que deux pieds quelle ne passat par dessus la levée,
dans le meme tems leau crut dans le Veron de dix pieds dans une nuit.
(B.M.S.
de St Clément, 1740, page 138)
1783
Le
quatorze juillet on a éprouvé dans les paroisses de Cunault, Milly
et les deux Gennes (St Vétérin et St Eusèbe)
un orage dont on n’a point d’exemple il
n’y a point eu de grêle, mais la pluie a été telle qu’elle a
inondé Cunault, dont l’église, en moins de trois minutes, a été
remplie d’eau à la hauteur de dix à onze pieds (environ 3m.). La
sœur du curé, le sieur Fongeray, y a failli périr en cherchant à
sauver les ornements, un homme ayant gagné un autel à la nage y est
resté pendant cinq heures accroché a une colonne et ayant de l’eau
jusqu’au cou. Aux deux paroisses de Gennes, vingt maisons ont été
détruites et plusieurs moulins dégradés. Un charpentier nommé
Hardouin échappé au danger s’y est précipité volontairement de
nouveau pour sauver ses voisins. On le voioit courir partout on
entendoit des cris, et vingt personnes, la plupart femmes et enfants
lui doivent leurs conservations, mais il a péri lui-même épuisé
de fatigue. En passant a la nage pour gagner un terrain élevé, une
porte que l’impétuosité de l’eau a fermé tout a coup lui a
pris une jambe qu’il n’a pu dégager. Il laisse une veuve et
trois enfants dont l’ainé est agé de quatre ou cinq ans. A Milly
plusieurs maisons ont été renversées on a perdu plusieurs
bestiaux. Les dommages qu’ont souffert les trois paroisses ont été
très considérables. La récolte entière est détruite et les
champs avant de pouvoir estre remis en culture demandent d’estre
nettoyés des ravins que les terres y ont formé.
(B.M.S.
de St Martin, 1783)
Grand
froid
1788
Cette
année le froid a été excessif, et l’histoire ne fournit pas
d’exemple d’un hiver aussi froid et aussi constant. Le 23 9bre
(novembre) la gelée commença et alla en augmentant jusqu’au
24 Xbre (décembre) qu’un faux dégel s’annonça, mais la
gelée reprit deux jours après avec la même force qu’auparavant
et ce grand froid a continué jusqu’au 14 janvier.
La
neige commença a tomber dans la nuit du 4 au 5 Xbre, que la terre
qui était alors fort gelée a conservé a la hauteur d’environ
huit pouces jusqu’au degel qui arriva comme nous l’avons dit le
14 janvier.
La
glace de la Loire avait 18 à 20 pouces d’épaisseur (20 à 25
cm). Le thermomètre a descendu à dix huit degré et demi au
dessous de la glace (- 18,5°). Ce froid s’est porté dans
sa durée a des degrés plus grands et plus constants qu’en 1709,
puisqu’alors le thermomètre ne descendit qu’à 15 degrés (-
15°).
La
débâcle a causé le plus grand tort à la marinne. Elle a emporté
plusieurs ponts entre autre ceux de Blois, d’Amboise, et quatre
arches du pont neuf de Tours, sur lesqu’elles arches se trouve dans
ce moment la voiture publique de Saumur à Tours. Les deux premiers
chevaux tombèrent avec une arche, le conducteur n’ayant point
heureusement perdu la tête coupa promptement les traits qui tenaient
ces deux chevaux attelés aux autres, et recula avec la
plus grande promptitude la voiture qui ne fut sitôt hors du
dessus les autres arches qu’elles croulèrent.
Une
quantité prodigieuse de batteaux chargés de sel, de crin et
d’autres marchandises ont été brisés et coulés à fond. A une
lieue d’Orléans, les glaces se sont amoncelées a un tel point
qu’elles ont arrêté le cours de la Loire. Plusieurs chaussier ont
crevé, l’eau et les glaces se sont répandues dans une étendue de
six à sept lieues (environ
29 km.)
de terrein qui a été inondé. On évalue le nombre
des noyés a plusieurs centaines. Les hommes grimpaient sur les
combles des maisons, dans les arbres les plus élevés. Tout était
renversé par la force de la glace. Cette année les vignes gelerent.
(B.M.S.
de St Martin de la Place)